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Porteur du projet : Christine Gonzalez, Professeur, Le Mans Université
Co-Porteurs : Jean Marc Ferrandi, Professeur (ONIRIS), Beatrice Siadou Martin, Professeur (Université de Lorraine)

 

De nos jours, les smartphones, objets ubiquitaires de la sphère privée du consommateur, sont devenus le principal mode de connexion à Internet. Ils constituent une partie de l’intimité du consommateur dans laquelle pénètrent les applications mobiles que leur objectif soit commercial ou non.
Les applications servicielles anti-gaspillage cherchent à modifier son comportement dans un sens favorable à son bien-être et à celui de la société en lui permettant de réduire le gaspillage, en lui indiquant des bonnes affaires (Too Good to Go), en proposant de donner les produits non consommés (Checkfood), en l’aidant dans ses pratiques alimentaires (planifier leurs courses, gérer leurs stocks, utiliser les produits avant leur date de péremption etc.) (SoAppli).

 

Pour ce faire, elles induisent une collecte et un traitement des données comportementales. Sur un plan pratique elles encouragent le consommateur à mettre en place des comportements bien spécifiques : s’informer, chercher des informations sur des produits ou rendre public un engagement responsable. Elles rendent possible la consommation socialement responsable et, en cela, façonnent les comportements des individus. La gouvernementalité du consommateur repose sur des outils particuliers comme, ici, les applications mobiles et sur la responsabilisation du consommateur.

En effet, ce dernier est « sensibilisé aux enjeux du gaspillage à travers le discours des différents acteurs dans la presse professionnelle ou académique ou sur les réseaux sociaux » (Gonzalez et Siadou-Martin, 2019). Les acteurs « formatent, guident et moulent » le consommateur (Cova et Cova, 2009) en cherchant à modifier des « pratiques très intimes et identitairement marquées comme la préparation des repas ou les courses alimentaires » (Gonzalez et Siadou-Martin, 2019).

De fait, Giesler et Veresiu (2014) théorisent « la formation du sujet responsable en tant que processus gouvernemental qui se concentre sur les marchés en tant que projets fondamentalement moraux et qui comprend le sujet responsable non pas comme un produit naturel du marché capitaliste mais comme un élément fonctionnel de son développement et de sa stabilité ».

Comment le consommateur réagit il par rapport à ce processus de responsabilisation ? Quelles sont ses motivations à adopter ces dispositifs ? Comment réagit-il par rapport à la tentative de modification de son comportement ? Or, être présent sur un objet intime tel que le smartphone d’un individu signifie entrer dans sa vie privée et peut être perçu comme intrusif.

 

Les chercheurs en marketing et en systèmes d’information se sont appropriés l’étude de la vie privée. Ils se focalisent généralement sur la vie privée informationnelle. En effet, avec le développement d’Internet, la protection des données est à la fois une préoccupation des managers, des législateurs et des consommateurs, comme en témoigne le Règlement Général sur la Protection des Données, entré en vigueur le 25 mai 2018. En dehors de ces champs, certains auteurs plaident, toutefois, pour une vision plus large de la vie privée (DeCew, 1997).

Ainsi, au-delà du contrôle que nous pourrions exercer sur la diffusion d’informations nous concernant et sur leur utilisation (vie privée informationnelle), les recherches mettent en valeur trois autres dimensions de la vie privée : interactionnelle, psychologique ou physique (Burgoon et al., 1989; DeCew, 1997). Les dimensions interactionnelle et psychologique n’ont fait l’objet que de peu de recherches à notre connaissance. Certains consommateurs semblent décoder ces tentatives d’entrer dans leur vie privée.

Ainsi, les recherches sur la gestion de la relation client, la communication publicitaire et plus largement les nouvelles technologies mettent en exergue non seulement l’intrusion perçue liée à la collecte d’informations personnelles, mais aussi une intrusion dans les tâches cognitives ou les activités du consommateur et une intrusion sans permission dans la vie du consommateur (Hérault et Belvaux, 2014 ou Chouk et Mani, 2016 dans un contexte français ; Li et al., 2002 ou Edwards et al., 2002 dans un contexte anglo-saxon).

Cependant, les intrusions liées à la privacy interactionnelle ou à la privacy psychologique n’ont que peu été abordées (Gonzalez et Siadou-Martin, 2019).

 

Une étude qualitative sur les applications mobiles servicielles anti-gaspillage montre que les individus expriment un sentiment d’intrusivité :

  • une intrusivité-aspiration « qui résulte d’une intrusion dans la vie privée informationnelle et d’une collecte d’informations sur le consommateur »,
  • une intrusivité-envahissement « qui résulte d’une intrusion dans la vie privée physique et d’une interruption des activités cognitives du consommateur par les notifications par exemple ou par un envahissement du smartphone dans la vie du consommateur »,
  • une intrusivité-effraction « qui résulte d’une intrusion dans la vie privée physique sans permission avec des publicités ou des logiciels espions par exemple »,
  • une intrusivité-usurpation « qui résulte d’une intrusion dans la vie privée interactionnelle, les individus mettent en relation la thématique et la source qui peut être plus ou moins légitime » et
  • une intrusivité-ingérence qui résulte d’une intrusion dans la vie privée psychologique et qui fait référence à « la perception par les consommateurs d’un contrôle exercé par les marques sur leurs comportements, leur vie quotidienne, d’une restriction de leur autonomie de décision et d’action à travers l’imposition de comportements et de croyances et enfin d’une infantilisation » (Gonzalez et Siadou-Martin, 2019).

Quels rôles jouent ces cinq dimensions dans l’adoption de ces dispositifs ? Nous pouvons nous demander si le consommateur pourrait coopérer activement dans le processus de responsabilisation et adopter des dispositifs qui lui permettent d’améliorer sa situation personnelle. Répondre à ces questions nous permettrait de proposer aux acteurs publics et privés (région, métropole, entreprises) des pistes pour améliorer les campagnes de lutte contre le gaspillage mobilisant des outils numériques.

 

A partir de l’étude qualitative réalisée et de l’examen de la littérature académique sur le sujet, un instrument de mesure de l’intrusivité perçue a été élaboré et une étude quantitative a été menée auprès de 145 consommateurs français. Un questionnaire a été envoyé par mail, via un lien vers GoogleDocs à des étudiants de trois universités françaises.

Après une question filtre sur le téléchargement d’applications mobiles, les répondants devaient prendre connaissance d’un texte décrivant le fonctionnement d’une application mobile relative à la lutte anti-gaspillage alimentaire, puis exprimer leur degré d’accord par rapport aux items de l’intrusivité perçue, aux mesures de la sensibilité au gaspillage et à l’environnement et, enfin, leur intention de télécharger, utiliser et recommander l’application.

L’analyse statistique montre l’impact des dimensions de l’intrusivité sur l’adoption d’une application mobile. Les deux facteurs explicatifs principaux sont liés à l’envahissement et à l’usurpation perçus. Cette recherche constitue une première validation de l’échelle d’intrusivité perçue des applications mobiles servicielles. Nous souhaitons mener des études complémentaires auprès d’un échantillon représentatif de la population (Axe « Compréhension des attentes des ménages vis à vis des acteurs privés et publics en termes de diminution du gaspillage alimentaire »).

Par ailleurs, le choix a porté sur une application fictive de lutte contre le gaspillage alimentaire. Il est nécessaire de mener une étude sur une application existante. Nous souhaitons par ailleurs comprendre les déterminants de l’intrusivité perçue. La motivation égoïste ou altruiste du consommateur est une première piste. De même, d’autres variables pourraient influer sur la perception de tels outils comme la sensibilité aux promotions, certaines applications mobiles mettant en avant les économies réalisées par les consommateurs. Un autre point auquel les concepteurs doivent porter attention est la légitimité de l’application et de sa source. Par ailleurs, la perception de l’intrusivité de ces applications mobiles servicielles pourrait être modifiée au cours du temps et de la relation. L’adoption constitue le premier cap d’arbitrage entre contrôle perçu sur les comportements et les données et bénéfices reçus. Plus le consommateur aurait recours à ce type d’outil et y percevrait une valeur d’usage, plus il accepterait l’intrusivité de l’outil. Une étude longitudinale pourrait permettre de mettre en valeur l’évolution de l’intrusivité perçue et son impact sur les comportements à l’égard de l’application. Des études quantitatives reposant sur des dispositifs expérimentaux sont nécessaires pour valider ces différentes hypothèses. Des enquêtes quantitatives, nécessitant l’administration d’un questionnaire par le biais d’un paneliste et l’analyse des données à l’aide de logiciels d’analyse statistique, seront réalisées.

 

Dans un article dans la Tribune datant de 2015 ,

Arno Pons, Directeur d’une agence de communication digitale et enseignant à SciencesPo affirmait « L'État devrait cesser de poursuivre seul les missions d'ordre public, il devrait déléguer l'innovation et la formulation des solutions aux forces vives déjà en place. Il ne doit pas s'appuyer uniquement sur les réseaux associatifs, mais accepter de se reposer sur les entreprises privées qui poursuivent la même mission que lui. Sur le gaspillage alimentaire les initiatives ne manquent pas, le social business est un vrai terreau d'innovation en France ». Ce projet de recherche visera à comprendre comment se construit et se structure le marché de la lutte contre l’anti-gaspillage en se centrant notamment sur les outils numériques et quels sont les interactions entre les différents acteurs (Axe « Mise en valeur de la vision du gaspillage alimentaire partagée par les acteurs publics et privés au niveau régional, départemental et local ») : état, associations, entreprises et consommateurs. Des enquêtes qualitatives, nécessitant la réalisation, la retranscription et l’analyse d’une vingtaine d’entretiens à l’aide de logiciels d’analyse textuelle, seront réalisées. Cela permettra de comprendre la vision qu’ont les publics ainsi que les acteurs publics et privés de la lutte contre le gaspillage et de mener de façon plus efficace des actions visant à la réduire.

 

Afin de sensibiliser les ménages et les différents acteurs publics et privés au gaspillage alimentaire et aux outils digitaux permettant de le réduire des restitutions des résultats de la recherche aux publics et aux acteurs publics ou privés ainsi qu’un workshop impliquant acteurs publics et privés et chercheurs seront mises en place (Axe « Sensibilisation des ménages et des différents acteurs publics et privés au gaspillage alimentaire et aux outils digitaux permettant de le réduire » ).

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