Gilles Marouseau
Drive et COVID-19Drive et COVID-19 : histoire d’une forme commerciale devenue instrument de sécurité sanitaire et de survie économique
Le 4 juin 2020
par Gilles Marouseau, enseignant-chercheur en Sciences de Gestion à Le Mans Université, laboratoire ARGUMans.
Lorsqu'en 1991, la National Science Foundation (l'équivalent américaine de notre CNRS) lève les restrictions quant à l'utilisation commerciale d'Internet, peu d'experts imaginaient la rapidité et l'ampleur du développement du commerce électronique. Depuis ce commerce s'est imposé en prenant de multiples formes marquées par la dissociation entre l'acte d'achat (sur Internet) et la distribution physique du produit. Comme pour toute apparition d’une nouvelle forme de médiation organisant la rencontre consommateurs/produits, nous pouvons constater une évolution du commerce qui, sans cesse, s’adapte à son environnement. La crise actuelle du Covid-19 a déjà engendré une évolution des modes de commercialisation qui pourrait s’ancrer dans la durée car elle est gage de sécurité sanitaire et économique.
Notre recherche s'est limitée au seul secteur de la vente alimentaire vers le consommateur (Business-to-Consumers, BtoC) en excluant la vente entre professionnels (Business-to-Business, BtoB). Ce secteur est intéressant à étudier car, depuis l’antiquité, ce type de commerce structure nos sociétés. Ainsi, relever le défi de commercer des aliments via Internet pourrait ouvrir la voie à un commerce entièrement dématérialisé, remettant en cause l’ensemble des schémas de commercialisation et d’urbanisation de nos espaces. Toutefois, ce secteur a révélé plusieurs freins : inhibitions au niveau du comportement des consommateurs qui ne peuvent pas toucher et choisir certains aliments (perte de la poly-sensorialité de l’acte d’achat) et difficultés techniques pour les distributeurs qui doivent inventer une logistique nouvelle de distribution des produits (transport en mode tri-température ambiant, frais, surgelé). En cas de réussite partielle, ces schémas pourraient alors perdurer dans le cadre d’une complémentarité entre « nouvelle économie » et « ancienne économie ».
Cette recherche s’est déroulée selon une procédure en trois étapes. Dans un premier temps, nous avons pratiqué une analyse des pratiques des sites de vente alimentaire (et notamment des drives que nous étudions depuis leur apparition en France). Puis, dans un deuxième temps, nous avons procédé à une enquête d’acteurs (en nombre restreint du fait du confinement et uniquement par mail ou par téléphone) mené avec un guide d’entretien en mode semi-directif. Les personnes interrogées sont aussi bien des consommateurs (afin de comprendre l’évolution de leur comportement) que des professionnels (afin d’étudier l’adaptation de leurs moyens de commercialisation face au Covid-19). Enfin, il a été procédé à une analyse de données secondaires obtenues via les réseaux sociaux et média spécialisés.
L’article ci-dessous est articulé en deux parties. Dans la première partie, l’histoire du drive alimentaire est présentée pour comprendre le contexte de son adoption et de sa prise d’importance au sein d’un système de distribution. Dans la seconde partie, les réponses à la crise du Codiv-19 sont étudiées et elles montrent le caractère stratégique d’une organisation sous forme de drive tant sur le plan de la sécurité sanitaire que sur le plan de la survie économique des entreprises commerciales.
HISTOIRE DU DRIVE COMMERCIAL
1 - LES DIFFÉRENTES PHASES DE MODERNISATION DU COMMERCE
Dès l’Antiquité, le développement du commerce est marqué par l’apparition de lieux d’échanges permanents (le « marché ») puis par la sédentarisation des commerçants via des boutiques qui, peu à peu, transforment les rassemblements de maisons en villages puis bourgs et villes, parallèlement à l’essor de l’artisanat.
Une première époque de modernisation se concrétise par l’apparition de grands magasins de centre-ville. Avec la création en 1938 de leur magasin « Au bon marché », Paul et Justin Videau créent le premier commerce à comptoirs multiples puis leur association avec Aristide Boucicaut, en 1852, marque l’avènement du « grand magasin » des 19e et 20e siècles, caractérisé par la diffusion du libre-service.
Le Bon Marché en 1920. ©DR
Fuyant l’étroitesse du foncier urbain disponible en centre-ville, une deuxième modernisation apparaît avec le modèle du supermarché (puis de l’hypermarché) lorsqu’en 1963, le premier Carrefour voit le jour à Sainte-Geneviève des Bois, à l’époque en pleine campagne au Sud de Paris. Profitant d’un foncier peu cher (terres agricoles), ces magasins connaissent tout de suite le succès car il s’accompagne d’une évolution sociologique du comportement des consommateurs : le réfrigérateur permet de mieux conserver les aliments (plus besoin de faire ses courses dans des magasins de proximité tous les jours et donc possibilité de faire ses courses « pour la semaine ») et l’automobile autorise des escapades à la proche périphérie des villes. Afin de maintenir la variété des possibilités d’achat, ces nouveaux magasins présentent des galeries commerciales où chacun peut trouver les produits dont il a besoin. Ainsi, au Mans, les Comptoirs Modernes et Carrefour s’associent en 1969 pour créer le premier hypermarché du Mans à l’enseigne « Record » (qui deviendra plus tard, l’actuel Carrefour Centre Sud) et sa galerie commerciale « Polyshop ».
La troisième modernisation du commerce est liée à l’évolution des technologies de l’information. En effet, en 1991, la National Science Foundation (l'équivalent américaine de notre CNRS) lève les restrictions quant à l'utilisation commerciale d'Internet, ouvrant le monde virtuel à des innovations commerciales que nous regroupons aujourd’hui sous le vocable de « commerce électronique ».
2 - LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE ET LE MODÈLE DE LA VENTE A DOMICILE
Dès le début des années 2000, des tentatives de commerce alimentaire via des sites internet voient le jour. Dans un premier temps, ce sont les grands distributeurs qui investissent dans le commerce électronique alimentaire en proposant un achat à distance et une livraison à domicile (LAD), à l’instar de ce qui se passait à l’époque puisque, dépourvus de système de livraison, les premiers acteurs de la vente sur le Net se sont alliés à des prestataires logistiques (La poste, UPS, FedEx,..) pour assurer cette partie du travail, ce qui leur permettait de se concentrer sur l’effort de vente.
Entre 2000 et 2001, sont ainsi apparus le pionnier Télémarket (Galeries Lafayette et Monoprix – solution préalablement développée pour passer commande par minitel et par téléphone), Ooshop (Carrefour – issu d’un projet émanant de Continent-Promodès absorbé en 1999), Houra (Cora), l’éphémère Cmescourses (Casino – mis en faillite en avril 2002) et AuchanDirect (Auchan). Nous pouvons noter également la présence de quelques nouveaux acteurs (pure players) fédérant certains magasins régionaux (en région bordelaise et basque Merkatua et en région parisienne, Pratic’Shopping, Webepicerie.fr et G20 livraisons, …). Nous rencontrons également certains hypermarchés locaux qui avaient, à cette époque, créé un site de vente : HyperU Parthenay (79), Leclerc-Cannes (06), Marché-Plus Rennes (35), Casino Martinique (972), ...
Cette solution a mis du temps pour se développer car, si la praticité du dispositif est évidente, son adoption par les consommateurs est freinée par les coûts engendrés par la livraison à domicile (LAD). En ne faisant pas payer l’intégralité des coûts par le consommateur, les distributeurs ont ainsi accumulé des pertes financières récurrentes, ce qui explique la disparition des pure players et la réticence de la grande distribution à développer ce mode de commercialisation partout en France (restriction des zones de distribution et de l’assortiment présenté). Ainsi, au Mans, Ooshop a tenté une expérience d’épicerie électronique à partir de son magasin Carrefour mais elle n’a duré que 6 mois, le nombre de clients par jour (entre 6 et 12) ne permettant pas de rentabiliser les coûts de préparation et de livraison.
3 - LA SOLUTION DU « DRIVE »
- Le concept du drive
La première tentative de renouvellement du modèle de la Livraison à Domicile est la proposition faite au consommateur de venir chercher ses courses dans un “drive-in” (petit entrepôt de proximité dans lequel on stocke et on prépare les commandes). Le site économise les charges de livraison à domicile en considérant que, pour leurs achats alimentaires, certains clients sont prêts à participer à l’effort logistique. Pour cela, les drives jouent sur l'atout du gain de temps qui est la principale motivation de ces nouveaux clients mais aussi sur la praticité (choix du moment du retrait des courses, disparition des paniers lourds et encombrants, proximité des drives). Dès 2000, à Leers (59), Auchan lance son premier VolumeExpress (rapidement renommé Auchandrive), alors que Ooshop (Carrefour) permet le retrait dans quatre de ses hypermarchés en région parisienne en 2001 (mais cette solution ne sera qu’éphémère).
- Les avantages du drive, réponses aux limites des cybermarchés
La déception engendrée par le faible développement des cybermarchés est imputable au coût de la logistique nécessaire qu’il est difficile de facturer intégralement au client. En visitant un site commercial, l’internaute utilise des références de prix issues du commerce traditionnel sans tenir compte des efforts qu’il consent pour faire ses courses. Dans cet état d’esprit, le client est donc réticent à payer sur Internet pour un service qu’il ne considère pas à sa juste valeur. En pariant sur la participation des clients dans l'effort de transport des paniers d'un "magasin" à leur domicile, cela permet d'économiser sur la livraison.
Une seconde source de déception concerne les délais liés à la livraison à domicile sur rendez-vous. De la nécessaire disponibilité du consommateur durant un créneau horaire lié à une tournée organisée naît une contrainte mal acceptée. Maître de son temps au moment de la passation de la commande (où il veut et quand il veut), le client devient esclave d’un livreur sur un créneau de temps parfois peu pratique et quelquefois non respecté. En choisissant son créneau de passage, le client peut maximiser ses déplacements (notamment en conjuguant un passage au drive en même temps qu'un retour au domicile après une journée de travail).
- Typologie des drive
A partir de 2004 et avec une nette accélération en 2007/2008, les drives alimentaires se multiplient en France et l’analyse de leur implantation permet de distinguer plusieurs types de solutions pratiques proposées par le distributeur, ce qui suppose une variété de comportements et d'actions induits pour le client.
a) Le drive accolé (consolidation de la clientèle)
L’implantation de ce type de drive est le résultat d’une première stratégie consistant à renforcer l’attractivité de la zone commerciale d’un hypermarché en proposant un service en ligne avec un point de retrait dans un magasin ou proche d’un magasin (stratégie de consolidation de chiffre d’affaires) (voir figure 1). Ainsi, entre 2007 et 2010, quasiment tous les opérateurs de la grande distribution alimentaire développent des drives (Auchan, Carrefour, Intermarché, SystèmeU, Casino et surtout Leclerc, le grand absent des cybermarchés) qui sont le plus souvent accolés à un hyper ou supermarché de l’enseigne. Ainsi, le premier drive au Mans (Auchandrive sur la route d’Alençon) est de cette nature car il vise à soutenir l’hypermarché voisin pour proposer une offre multi-canal de vente. Puis, au fur et à mesure, viendront les drives Leclerc d’Allonnes, Carrefour, Intermarché, Système U,...
Stratégie concurrentielle : Évitement de la concurrence
Stratégie de localisation : Proximité du magasin enseigne
=> Renforcement de l’attractivité
=> Faible impact urbain
b) Le drive offensif (captation de clientèle)
Cependant, l’implantation d’un drive peut aussi être le résultat d’une stratégie offensive de conquête de parts de marché. C’est alors l’occasion de s’installer sur de nouveaux territoires et même d’affronter directement la concurrence (voir figure 2). Au Mans, le premier drive Leclerc s’installe rue Rhin et Danube, près de la rocade Nord pour concurrencer Auchan et la même démarche se retrouve dans le drive Leclerc situé sur la rocade Sud Brossolette, en concurrence avec Carrefour.
Stratégie concurrentielle : affrontement sur le terrain de la concurrence
Stratégie de localisation : proximité du magasin concurrent
=> Prédation de la clientèle du concurrent
=> Impact urbain significatif
Cette stratégie permet d’occuper de nouveaux emplacements avec une surface moindre qu’un magasin traditionnel (économie foncière et démarches administratives simplifiées – à l’époque, il n’était pas nécessaire d’obtenir l’accord de la CDAC -Commission Départementale de l’Aménagement Commercial- puisqu’il ne s’agissait, juridiquement, que d’entrepôt ne recevant pas de public !). Cette démarche peut donc être considérée comme une stratégie de prédation car, en s’installant près de la concurrence, elle permet de commencer une guerre des parts de marchés et de déstabiliser les rentes de situation engendrées par les limites administratives à l’extension commerciale des hypermarchés.
c) Le drive piéton (captation de clientèle)
La dernière forme d’évolution du drive avant le Codiv-19 est le drive-piéton qui propose de venir à pied chercher les courses commandées sur Internet, format particulièrement adapté au centre-ville car il ne nécessite pas d’emplacements de parking et il est peu gourmand en surface foncière (voir figure 3). En revanche, il ne permet pas de faire de « grosses » courses. Au Mans, le premier drive de cette nature est le drive Leclerc situé en plein centre-ville, Avenue François Mitterrand.
Stratégie concurrentielle : conquérir une cible de clients urbains
Stratégie de localisation : Proximité du centre-ville
=> Prédation d’une nouvelle clientèle
=> Impact urbain significatif
LE DRIVE DANS LE CONTEXTE D’UN CONFINEMENT
1 - LA SECURITE SANITAIRE PROCURE PAR UN DRIVE
Jusqu’à la crise du Codiv-19, les experts de la distribution n’avaient envisagé le drive que comme un complément des canaux de distribution classiques. Malheureusement, les règles très strictes du confinement ont fait apparaître une vulnérabilité de tous les systèmes de distribution avec la fermeture des magasins dit « non essentiels » et un maintien de l’activité des commerces alimentaires. La continuité de l’exploitation des magasins alimentaires se fait sous la pression d’un risque de contamination des clients (ce qui inhibe le comportement d’achat) mais aussi des hôtes et hôtesses de caisse (ce qui créé une tension psychologique anxiogène pas facile à vivre pour les personnels concernés).
L’épisode de la grippe aviaire H1-N1 en 2009 avait pourtant mis en évidence cette vulnérabilité de notre société moderne puisque, dans les scenarii des gestion de crise sanitaire développés dans les Préfectures, il avait été considéré comme prioritaire d’assurer la permanence de fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement des magasins alimentaires (chauffeurs, personnels du magasin,...) en les équipant, le cas échéant, des matériels de protection adéquats. Cependant, la rédaction de ces scenarii ne s’est pas accompagnée de la création des stocks nécessaires en matériels, ce qui a entraîné le sentiment d’impréparation de la grande distribution dans les premiers jours du confinement.
Dans leur recherche individuelle d’une protection face au Coronavirus (puisque rien n’était organisé au niveau collectif), certains consommateurs ont ainsi compris que le drive représentait le mode de réapprovisionnement en produits alimentaires le plus sûr grâce à la minimisation des échanges puisque l’ensemble des opérations (commandes, réception et paiement) peut se faire sans contact. Ainsi, la charge de travail des drives a rapidement doublé et atteint les limites du service qu’ils pouvaient proposer malgré un renforcement des équipes (temps d’attente allongé jusqu’à 2 ou 3 jours en banlieue parisienne et lyonnaise, voire même impossibilité de s’inscrire comme nouveaux clients notamment à Rennes, ou Alençon,...). Ailleurs, beaucoup de clients ont perçu des difficultés d’accès aux plates-formes de commande (temps d’attente importants voire même interruptions de la connexion à certains moments).
Du côté des distributeurs, ils se sont rapidement inquiétés pour la santé de leurs salariés car l’ouverture d’un magasin au public présente de nombreux points de vulnérabilité sanitaire :
a) impossible d’empêcher les clients de toucher les produits puis de les remettre en rayon si ces derniers ne leur conviennent pas,
b) impossibilité de créer un sens unique de circulation,
c) nombreux allers et retours dans les allées,
d) attroupements autour des rayons en libre-service,
e) difficultés pour faire respecter les gestes barrières,
f) paiements en espèces ou par chèque qu’il faut bien accepter,...
Ainsi, le développement des drives peut alors devenir un atout déterminant dans le cadre d’un confinement sévère en limitant les zones de contamination que représente un magasin physique et en assurant une protection maximale du personnel amené à travailler pour assurer l’alimentation de la population (puisqu’un entrepôt est moins contaminable qu’un magasin du fait que le public n’y a pas accès).
En imaginant un confinement encore plus sévère avec l’arrêt des déplacements des citoyens, la commande sur Internet et la livraison à domicile seraient alors l’ultime solution pour alimenter la population (mais, à ce niveau de confinement, la préparation et la livraison des commandes ne pourraient pas être assurées par le seul personnel de la grande distribution et le recours aux forces de protection civile et militaires deviendrait nécessaire).
2 - LA SURVIE ÉCONOMIQUE PROCURÉE PAR UN DRIVE
Outre l’aspect de sécurité sanitaire, la crise de la Covid-19 a été l’occasion de découvrir que le mode de distribution par drive peut se révéler crucial pour maintenir une activité de vente, même réduite, permettant une survie financière de certains commerces.
Historiquement pionnier en matière de drive (avec Auchandirect et Chronodrive), le groupe Auchan a ainsi rapidement réagi pour l’ensemble de ses magasins ne disposant pas d’un drive. Ainsi, dans 60 magasins (notamment Talence -33-), Auchan a instauré un « drive light » permettant le retrait de commandes passées sur Internet à l’accueil du magasin (click and collect), ou à un point de retrait grâce à ses partenaires Shopopop ou Mondial Relay. Même si cela relève plus du « bricolage » que d’une création réfléchie, ces drives présentent un assortiment réduit à 370 référence essentielles mais ils sont capables de préparer une quarantaine de commandes par jour. Cette solution éphémère a de fortes chances de perdurer mais avec des investissements afin de consolider ce mode de distribution par drive partout où il n’existait pas.
De la même façon, Franprix a lui aussi réagi dès le mois d’Avril 2020 face à la désertion de ses magasins (notamment à Paris) en fermant certains magasins le matin afin de préparer des commandes passées par Internet puis ouvrant l’après-midi pour permettre aux consommateurs de venir les chercher. Ainsi, c’est un magasin entier qui devient « drive » (qualifé de « Dark store »), le magasin Franprix voisin maintenant la possibilité pour les riverains de faire leurs courses de manière traditionnelle.
Cette faculté d’innovation par le drive se retrouve également chez les restaurateurs dont certains, faute de pouvoir ouvrir leurs salles, ont créé des drives avec des ventes à emporter. Ainsi, le seul restaurant étoilé de la Sarthe, l’Auberge de Bagatelle, a pu réembaucher 6 des 17 membres de sa brigade de cuisine et de service en salle afin de fournir une moyenne de 300 repas par semaine.
Cette démarche se retrouve également dans les secteurs non alimentaires (magasins de bricolage, librairie, magasins de tissus, …) qui ont, pour la plupart, rapidement soit redimensionné leur site de retrait de commande par internet (s’il existait déjà), soit créé des drives (ce qui était le cas le plus fréquent).
Conclusion
La crise due au coronavirus a été l’occasion de comprendre le caractère stratégique d’un mode de distribution par drive qui offre, en période de confinement, une alternative plus sûre d’approvisionnement de la population à la fois pour le personnel des entreprises et pour les consommateurs. Au niveau économique, le drive est même apparu comme la seule réponse possible pour assurer un chiffre d’affaires minimal dans de multiples magasins alimentaires et surtout non alimentaires qui, non équipés, ont innové rapidement en proposant des formules drive à leurs potentiels clients.
Cette crise a donc accéléré la création de drives « éphémères », ce qui, une fois la crise passée, pose la question de savoir si ce changement peut être durable. Notre collègue géographe Arnaud Gasnier a apporté des éléments de réponse (Gasnier, 2020) mais, indéniablement, la flexibilité des systèmes de distribution et le développement des ventes en multi-canal vont devenir des éléments stratégiques cruciaux pour la grande distribution. Il faudra aussi que ce secteur s’interroge sur la résilience des chaînes d’approvisionnement en évitant de ne dépendre que d’un seul pays fournisseur étranger (Chine, Inde, ..) et en favorisant des chaînes de proximité.
En ce qui concerne la santé publique et l’organisation d’une économie en mode de confinement, la distribution par drive est apparu comme un nouvel outil permettant d’obtenir un confinement plus sûr tout en amortissant, de manière certes imparfaite, l’impact économique d’une telle politique. Parmi les scenarii de gestion de crise sanitaire qui seront développés entre l’administration et les acteurs économiques (dont la grande distribution), la croissance d’une virtualisation du commerce et de la préparation des commandes sera certainement abordé et encouragé.
Lecture recommandée :
Gasnier Arnaud (2020), « La crise du coronavirus changera-t-elle durablement les pratiques de consommation, la distribution et le commerce ? Des questions de recherche sociogéographique en émergence ».